Les musées du jeu vidéo en France, une histoire entre enthousiasme et échec


Une évidence. L’enthousiasme autour de la campagne de financement participatif pour la création du « premier musée du jeu vidéo en France », censé ouvrir ses portes à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne) en 2026, démontre à quel point l’absence d’un tel lieu se fait sentir dans l’Hexagone. Lancé le 20 septembre par le vidéaste et chef d’entreprise Benoît Theveny, plus connu sous le pseudonyme Tev, « Projet Odyssée » a permis de récolter à ce jour plus de 2,2 millions d’euros – au point de motiver, dimanche, une prise de parole d’Emmanuel Macron qui, sur TikTok, a expliqué apporter son « haut patronage » à l’initiative. Le titre du premier, ou même de deuxième musée du jeu vidéo, revient pourtant à d’autres : un éphémère musée du jeu vidéo a ouvert ses portes au sein de la Grande Arche de la Défense en 2010, un autre s’est installé à Schiltigheim, près de Strasbourg, entre 2017 et 2020… Depuis près de vingt-cinq ans, les initiatives émergent, sans pour autant aboutir ou durer.

Benoît Theveny vantant la création du « premier musée du jeu vidéo » sur la page de son financement participatif. Capture d’écran effectuée le 7 novembre 2023.

« Lara Croft sera-t-elle la Joconde du XXIe siècle ? », s’interrogeait déjà Le Monde en 1999 à propos d’une future Cité du jeu vidéo de Lyon. Le patron d’Infogrames, Bruno Bonnell (aujourd’hui secrétaire général pour l’investissement), souhaitait à l’époque intégrer un espace d’exposition à son nouveau siège. Avant-gardiste, cette « cité » ambitionnait d’être un espace intégrant un musée, un espace de formation et une pépinière de start-up. Bertrand Brocard, pionnier du jeu vidéo français et cofondateur de l’éditeur Cobrasoft en 1984, fut alors chargé de la mettre en place : « Le projet a buté sur deux choses : l’argent et la volonté politique. C’est aussi le cas de tous les autres », se souvient le retraité, qui a lancé le Centre national du jeu vidéo, une association de préservation d’archives vidéoludiques.

La Cité du jeu vidéo, telle qu’elle aurait pu être selon ses organisateurs. A la place, un multiplex Pathé a vu le jour à Lyon.

Niveau 1 : des débuts difficiles

Jamais sortie de terre, la trop coûteuse Cité du jeu vidéo n’a pas manqué d’héritiers. Depuis, des collectionneurs privés jouent un rôle moteur pour valoriser le patrimoine vidéoludique. Dès 2003, l’association MO5 – du nom d’un ordinateur français des années 1980 – appelle à la création d’un musée de l’informatique et du jeu vidéo. Un projet toujours d’actualité : « Avoir un grand musée national français du patrimoine numérique, c’est indispensable, vu combien l’informatique et le numérique ont transformé notre société depuis maintenant plus de quarante ou cinquante ans », rappelle au Monde le fondateur de l’association, Philippe Dubois.

Ce dernier est familier des couloirs du ministère de la culture, de la valse des interlocuteurs et des refus polis. Sans parler du scepticisme des investisseurs. En 2010, MO5 a fourni quelques pièces aux collections du musée privé du jeu vidéo de La Défense, lancé par l’entreprise de communication Alerte Orange. Philippe Dubois déplore rétrospectivement un espace plus commercial que muséal. Une expérience de toute façon bien éphémère : moins de deux semaines après l’inauguration, le ministère de la transition écologique, propriétaire des lieux, invoquait un problème d’ascenseur. « Nous avons préféré fermer définitivement le toit aux visiteurs et récupérer les locaux pour nos services », fait savoir le ministère.

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Catégorie article Politique

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